La SNCF « rechigne » à protéger les cheminots contre le coronavirus

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INFO REPORTERRE : relayé par Hassan Céhef

La SNCF « rechigne » à protéger les cheminots contre le coronavirus

Durée de lecture : 6 minutes

31 mars 2020 / Maïlys Khider (Reporterre)

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« On nous alerte sur la nécessité d’un confinement total mais on nous envoie au travail dans ces conditions » : les cheminots voient rouge. 365 cheminots ont été testés positifs au Covid-19 selon les syndicats, et près de 1.500 en présenteraient des symptômes. Des chiffres qui auraient doublé en une semaine par manque de matériel de protection.

« La direction nous a fourni deux masques chirurgicaux à usage unique à n’utiliser qu’en cas de crainte de contact avec des personnes contaminées, un flacon de trente millilitres de gel hydroalcoolique et trois ou quatre lingettes désinfectantes, parfois desséchées, dans un petit sachet », énumère à Reporterre Vladimir Perfiloff, au volant, chaque jour, de plusieurs lignes de Transilien. C’est un bien maigre attirail de protection qui ne rassure pas les cheminots restés au travail. « L’un de mes collègues a été prendre son service à Rambouillet. Lorsqu’il est arrivé, personne n’était sur place pour lui remettre le nécessaire. On lui a dit par téléphone de mettre ce qui lui restait de gel sur un sopalin », continue l’homme, actuellement placé en quatorzaine à la suite d’un possible contact avec une personne atteinte du coronavirus.

Depuis le début de la crise, la SNCF a été épinglée à maintes reprises par l’inspection du travail. Selon un document daté du 25 mars consulté par Reporterre, un conducteur a constaté le 18 mars, à sa prise de service, que personne n’était présent pour nettoyer sa cabine. Il s’y est installé puis a appris que le conducteur précédent présentait les symptômes du Covid-19. Contamination avérée le soir même. Le conducteur ne disposait pas de gel hydroalcoolique, uniquement de quelques lingettes. Le lendemain des faits, et alors que son chef avait été prévenu de la situation, on l’a enjoint à prendre son poste comme à l’accoutumée. Lorsque le cheminot a voulu exercer son droit de retrait, son supérieur lui a demandé d’effectuer la démarche sur place : celle-ci ne serait pas valable par téléphone ou par courriel… Mis au chômage technique durant deux jours, il a consulté un médecin qui l’a placé en quatorzaine, contre l’avis de sa hiérarchie.

Selon les syndicats, près de 1.500 cheminots présentent des symptômes du coronavirus

Selon les syndicats [1], 365 cheminots ont été testés positifs au Covid-19, 1.490 en présentent des symptômes et plus de 676 sont confinés. Des chiffres qui ne cessent de croître. Dans un document du 25 mars consulté par Reporterre, l’Inspection du travail s’interroge quant aux mesures sanitaires à mettre en place : « Doivent-ils — les conducteurs — attendre l’agent de nettoyage avant de monter dans la cabine ? Quel est le temps consacré au nettoyage de cabines de conduite par les agents de nettoyage ? » Elle demande aussi : « Qu’est-il prévu actuellement pour les conducteurs qui prennent leur service après le nettoyage quotidien ? Un contrôle par d’autres agents est-il effectué pour s’assurer que les nettoyages sont bien réalisés ? » Et les préconisations sont claires : les cabines doivent être « nettoyées après chaque conducteur ».

Les préconisations sont claires : les cabines doivent être « nettoyées après chaque conducteur ».

Pourtant, « il a été acté qu’elles ne seraient désinfectées qu’une fois par jour. Une cabine est utilisée par une dizaine de conducteurs au quotidien », explique Vladimir Perfiloff. En effet, ceux-ci effectuent un roulement et empruntent parfois trois rames différentes en une journée. C’est pourquoi Axel Persson, secrétaire de la CGT Cheminots de Trappes, a exercé son droit de retrait le lundi 16 mars. « J’ai demandé quand la cabine avait été nettoyée, et personne n’a su me répondre, explique-t-il à Reporterre. À Versailles, un collègue a été contaminé. À Trappes, des cas sont suspectés. Beaucoup hésitent à se retirer par peur d’être mis en demeure puisque c’est arrivé sur la ligne C du Transilien. Nous demandons de retracer quels matériels ont été touchés, quelles cabines ont été conduites par les personnes qui présentent des symptômes, et avec qui elles ont été en contact. La boîte rechigne à le faire. S’ils lancent une enquête, ils réaliseront à quel point nous sommes exposés, surtout dans les conditions d’hygiène actuelles. »

Autres points de friction entre syndicats et direction : durant l’épidémie, la SNCF assure mettre à disposition un service de taxis afin d’éviter à ses salariés de prendre les transports en commun pour se rendre d’une gare à l’autre pendant leur service. Mais beaucoup se sont vus refuser l’envoi d’une voiture, et ont donc été contraints de monter dans des métros encore bondés à la mi-mars (les rassemblements de plus de cent personnes étaient déjà interdits), voire de marcher plus d’une heure pour atteindre leur destination.

« On nous alerte sur la nécessité d’un confinement total mais on nous envoie au travail dans ces conditions »

Et pour ceux qui doivent garder leurs enfants, les discussions patinent. Le décret présidentiel du 16 mars indique que seul l’un des deux parents doit déposer une demande de congé spécial et signer une attestation sur l’honneur. La SNCF Paris-Rive gauche a ajouté une règle fustigée par ses salariés : prouver par attestation de l’employeur du conjoint que celui-ci se déplace pour travailler et ne dispose pas du même congé spécial. Si celui-ci est auto-entrepreneur ou en en télétravail, il lui est impossible de fournir ce papier, et le cheminot ne peut donc pas prendre son congé.

« On nous alerte sur la nécessité d’un confinement total, on nous demande même d’arrêter les footings mais on nous envoie au travail dans ces conditions », s’offusque Azdine Bouamara, lui aussi conducteur en Île-de-France. La CGT, dont il est membre, pointe les contradictions du gouvernement. Il l’affirme : « Le gouvernement devrait obliger l’arrêt de l’activité économique superflue. L’activité a fortement diminué depuis le 24 mars. Mais les seules industries qui devraient encore fonctionner sont celles qui assurent les chaînes alimentaire, sanitaire et énergétique. »

Sur un tract distribué depuis le lundi 23 mars, on peut lire : « Il n’est pas entendable que le Premier ministre interdise de se rendre à l’enterrement d’un grand parent, tout en expliquant que les ouvriers et employés doivent se rendre au travail. » Certes, l’heure est à la diminution drastique du plan de transport. Mais ceux qui restent, eux, ne s’en sentent pas mieux protégés.

 
 
 
 
 
 

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