Philippe Coulloud et Rémy Pesant étaient jugés à Cahors, le 26 septembre dernier, pour avoir refusé de donner leur ADN lors d’une audition libre en gendarmerie de Figeac. Cette audition faisait suite à une visite citoyenne en août 2018 d’une centaine de FV dans un site de la tristement célèbre coopérative bretonne Triskalia. Cet entrepôt à Glomel, classé Seveso seuil haut, contient jusqu’à 65.000 tonnes de « produits phytosanitaires », autrement dit une large proportion étant des poisons mortifères pour les employés, les agriculteurs, la faune, la flore, l’eau, l’air, les sols et bien entendu pour les populations.
Hasard du calendrier, l’employeur Triskalia est condamné ce 6 novembre, par le tribunal de Vannes, pour « faute inexcusable vis-à-vis d’un ex salarié » (licencié parce que trop malade !) qui travaillait aussi à Glomel.
Rappelons que plusieurs employés de cette entreprise sont morts empoisonnés par leur travail et que plusieurs sont actuellement gravement souffrants ; Leur maladie est, enfin, reconnue en « maladie professionnelle liée aux pesticides » par la MSA (Mutuelle Sociale Agricole).
Rappelons aussi que Triskalia est poursuivi pour la mort de tout un troupeau de vaches, suite à une erreur de livraison, en 2018, d’aliments pour lapins contenant sept antibiotiques !
Rappelons encore que Triskalia, par le biais de ses différentes filiales, commercialise une énorme quantité de soja OGM en provenance d’Amérique. La culture de ce soja OGM, rendu tolérant aux herbicides, est une catastrophe sanitaire et environnementale dans les pays où il est cultivé ; elle constitue une des premières causes de déforestation en Amérique du Sud.
De plus, cet aliment pour bétail contient des résidus d’herbicides pour tous les animaux destinés à notre consommation, exception faite des produits bio et de quelques petits labels indiquant « nourris sans OGM ». A quand la grande distribution sera contrainte de préciser sur ses emballages « nourris aux OGM et aux pesticides » ?
Le tribunal de grande instance de Cahors a rendu son délibéré ce 7 novembre 2019. Les deux prévenus lotois sont relaxés. Ce jugement vient compléter une douzaine d’affaires similaires et récentes où les juges ont relaxé d’autres militants ou syndicalistes. La jurisprudence commence donc à être bien établie en ce domaine.
Guillaume Tumerelle , avocat des deux FV explique : A la lecture du dossier, on ne pouvait pas savoir pourquoi ou par qui la demande de prélèvement d’ADN avait été effectuée, dans quelles circonstances ou pour quelle supposée infraction. Gênée, madame la Procureur, n’avait alors pas fait de réquisitoire, ne voulant pas porter préjudice aux prévenus !
Maître Tumerelle avait plaidé d’une part que le tribunal n’était pas à même de vérifier la légalité de la demande de prélèvement d’ADN, et d’autre part qu’une telle demande ne pouvait pas être légalement faite contre des militants agissant en lanceurs d’alerte dans le cadre d’une manifestation non-violente. Un fichage génétique de militants est une mesure illégale, inadéquate, disproportionnée et inutile.
Maître Tumerelle se demande pourquoi les parquets continuent à poursuivre ces militants ? Et surtout pourquoi ils continuent à demander ces prélèvements dans le cadre d’actions militantes ? La réponse lui semble malheureusement évidente, c’est manifestement pour continuer à remplir illégalement le fichier FNAEG avec des personnes qui ne devraient pas être fichées mais qui acceptent spontanément ce prélèvement d’ADN. Il y a encore un travail important à faire sur ce sujet pour préserver nos libertés publiques
Créé contre les délinquants sexuels sur mineurs en juin 1998, le FNAEG est étendu en 2001 au terrorisme. Les gouvernements successifs ne cessent d’élargir ce fichier : Aujourd’hui chaque personne auditionnée en gendarmerie risque de se voir demander son ADN ! 4.369 personnes y sont enregistrées en 2002. C’est 1.724.173 en 2010, plus de 3.960.000 français-es en 2018, donc probablement nettement plus de 4 millions en 2019 ! Ces fichiers sont conservés 25 ans pour les présumé-es innocent-es et 40 ans pour les personnes condamnées. Nous apprenons que des élèves mineurs du lycée Champollion à Figeac, suite à des faits d’incivilités peu graves, ont innocemment donné leur ADN. Voilà nos jeunes fichés au FNAEG pour 25 ans sauf si les parents obtiennent du Procureur l’effacement de ces données (cela reste un droit de le demander !).
Ces prélèvements ADN contiennent, depuis un “amendement technique” de novembre 2018 toutes nos données génétiques (maladies, sexe, couleurs des yeux et même de la peau, apparence, origine ethnique, etc.), alors qu’auparavant elles se limitaient aux données « non-codantes », donc sans donnée biologique, c’est à dire permettant clairement, mais uniquement l’identification d’une personne. Et cela malgré les réserves alarmantes de la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés)
Il est ainsi possible aujourd’hui d’utiliser le FNAEG, entre autres, pour identifier les parents proches des personnes fichées ! Ce monde sécuritaire «en marche rapide» doit tous nous interpeller.
La Cour Européenne des Droits de l’Homme, par un arrêt définitif du 22 septembre 2017, a condamné la France pour un abus de fichage ADN, idem une décision de la CEDH le 20 juin 2019. Le ministère public français ne semble pas avoir pris toute la mesure de cet arrêt, puisque certains parquets continuent de poursuivre des personnes refusant de donner leur ADN. Il est urgent que l’État français tire toutes les conséquences de cette condamnation en modifiant sa législation.
Les FV encouragent tous les militants, syndicalistes, lanceurs d’alerte et toutes personnes entendues en gendarmerie à ne pas donner leur ADN ! Le refus de se soumettre au prélèvement peut être puni d’un an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende. Lorsque il n’y a pas relaxe, les peines excèdent rarement 200, € d’amende…