La galerie s’est endormie, elle se repose.
Les lumières ne s’allument plus.
Les projets sont anesthésiés.
La galerie est magnifique, silencieuse.
Pour la première fois depuis 25 ans, je ne peux pas envisager une programmation.
La complexité de la situation est si exceptionnelle, que nous devons attendre.
Personne ne sait ni quand, ni comment nous serons dans un mois ; personne ne sait ni quand, ni comment nous pourrons retrouver un rythme professionnel.
Comme beaucoup d’autres, je me suis engagée dans les rangements et le nettoyage de ma maison, ce qui me permet d’intégrer lentement l’invraisemblable rapidité des évènements ; ce qui me permet de découvrir chaque jour que ce qui a un sens à un moment précis, n’en a plus un peu plus tard.
Tout va très vite et nous sommes immobiles.
Je participe à la confection de masques spéciaux. Un à un avec des pliages particuliers, ils permettront à plusieurs médecins, infirmières ou autres soignants de se protéger quelques heures avant de les jeter.
A chaque masque, je mesure l’incroyable chaos que nous vivons.
Le monde est majoritairement divisé en trois groupes : Le premier est en stress, en action et en danger n’ayant pas le temps de débattre, il se bat avec l’urgence. Le second est confiné en stress et à l’étroit se sentant piégé, il risque l’explosion. Le troisième est confiné à l’aise et en repos attendant avec patience, il est très inquiet et hébété.
Sur les vitrines en ville, on peut lire : fermeture jusqu’à nouvel ordre. Que veut dire «nouvel ordre» ? Rien ne peut rentrer dans un ordre connu. Peut-on imaginer un ordre nouveau vers un monde à réinventer ? Que va-t-il se passer, nul ne le sait.
Nous sommes face à une réalité qui semble appartenir à une science-fiction qui envahie le monde. Les chiffres, les évaluations et les pourcentages abondent, les rapports et les comparatifs des uns et des autres, compétents ou non, perturbent nos visions.
Le bon sens est effrayé, mais il garde confiance.